Allier Maladies Chroniques et Travail : Trouver l'Équilibre

 

Concilier Maladies Chroniques et travail : ce qu’il faut savoir

Le monde du travail apporte de nombreux avantages et opportunités. Mais il a aussi engendré de nouveaux défis, dont certains inattendus. Parmi ces défis, les maladies chroniques émergent comme une problématique de plus en plus préoccupante. Que ce soit le stress, les troubles musculo-squelettiques, le diabète, les maladies cardiovasculaires ou d'autres affections de longue durée, les maladies chroniques peuvent avoir un réel impact sur la vie des travailleurs- travailleuses et sur la performance globale des entreprises.

 

 Maladies Chroniques au Travail : Un réel défi au quotidien

 

Créer un Environnement de Travail Favorable à la Santé

 

Concilier Maladies Chroniques et Travail : Conseils Pratiques

 

 

 

Conclusion

 

Allier maladies chroniques et travail est un défi pour l’organisation de son quotidien, mais il est loin d'être insurmontable. En créant des environnements de travail favorables à la santé et en offrant un soutien approprié, les entreprises peuvent aider leurs employés à gérer leur condition tout en continuant à contribuer de manière significative à la vie professionnelle. Chez Prévia, nous apportons des solutions afin de rendre la santé au travail une priorité, pour le bien-être de tous.

 

ALLIER MALADIES CHRONIQUES ET TRAVAIL 

Nous avons questionné deux experts Prévia, Clémentine Audrain, Coordinatrice RH et Anaïs Wahbi, médecin. Tout au long de cette interview elles sont là pour nous aider à mieux comprendre les tenants et aboutissants des maladies chroniques liées au travail et trouver des solutions.

 

Question 1 : Commençons par le commencement, Anaïs peux-tu nous expliquer ce qu'est une maladie chronique ?

Anaïs : Alors selon le Haut Conseil de la Santé Publique, la maladie chronique est un état pathologique de nature physique, psychique ou cognitive, de plus de 3 mois, avec un retentissement sur la vie quotidienne.

Les principales maladies chroniques sont les maladies cardio-vasculaires, le diabète, les maladies psychiques et les cancers.

 

Question 2 : Pour mieux comprendre, est ce que l’on peut illustrer cette définition avec des chiffres. Par exemple, ça concerne combien de personnes en France ?

Anaïs : On estime aujourd’hui que 24 millions de personnes sont victimes d’une maladie chronique soit 36% de la population français. Pour les français actifs, cela représente à peu près 20% de la population française entre 25 ans et 29 ans, et 51% entre 60 et 64 ans.

De plus, avec le vieillissement de la population, les facteurs environnementaux et l’allongement de la durée de certaines maladies dues aux progrès thérapeutiques, le nombre de malades chroniques ne cesse d’augmenter.

 

Question 3 : J’imagine que c’est compliqué pour une personne d’apprendre qu’elle est touchée par une maladie chronique. Tu peux nous expliquer comment se passe l’annonce ?

Anaïs : l’annonce de la maladie représente un véritable “choc” pour la personne: c’est la fin d’un temps de vie d’où la maladie était absente, voire inimaginable.

Elle entraîne toujours un bouleversement de la vie, avec un retentissement sur la vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale.

L’annonce amène également à un changement d’identité: “apprendre que l’on a une maladie chronique, c’est aussi apprendre que l’on est malade”;

J’ajouterais aussi que l’annonce nécessite un travail de “deuil” de l’état de santé antérieur: il est nécessaire de “faire le deuil de ce que l’on était” avant de “s’accepter tel que l’on est maintenant” et de reconstruire le futur.

 

Question 4 : Et comment se fait ce deuil ?

Anaïs :  ll y a différentes façons de faire son deuil de l’état antérieur et Elizabeth Kübler Ross, psychiatre helvetico-américaine, l'a très bien illustré dans un article de 1969.

• Choc initial: “Sur le coup, ça m’a fait un choc!”
• Déni: “Ce n’est pas possible, ils ont du se tromper ”
• Révolte: “Pourquoi moi et pas un autre ? Ce n'est pas juste ! ”
• Négociation: “D’accord, je n’ai pas le choix, mais…”
• Dépression: “Je ne serai plus jamais comme avant !”
• Acceptation: la maladie est acceptée (ou “supportée”)

Bien entendu, toutes ces étapes ne sont pas obligatoires, ni vécues par toutes les personnes.

 

Question 5: On comprend bien que les personnes souffrant de maladies chroniques se posent de nombreuses questions sur leur avenir. Et notamment la crainte de souffrir de discrimination. Clémentine, peux-tu nous en dire plus ?

Clémentine : Ou bien sûr, la maladie peut susciter plusieurs formes de stigmatisation, comme le souligne Katherine Portsmouth qui est psychologue du travail et auteure de l’article “Révéler sa maladie chronique au travail : pourquoi, comment, avec quels effets ?”. On a aussi une étude de L’INSEE selon laquelle trois millions de personnes déclarent avoir fait l’objet de discriminations au cours de leur vie à cause de leur état de santé ou d’un handicap.

Pour pallier à ça, une loi relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé a été promulguée le 6 décembre 2021.  Je cite : « Il est institué pour une durée de trois ans un comité d'évaluation des textes encadrant l'accès au marché du travail des personnes atteintes de maladies chroniques. »

Ce comité vise à favoriser l'égal accès au marché du travail et aux formations professionnelles de toute personne, quel que soit son état de santé. Il veille à ce que les personnes atteintes de maladies chroniques aient, en l'absence de motif impérieux de sécurité et de risque pour leur santé, accès à toutes les professions.

 

Question 6 : À ce propos, si vous souhaitez en savoir plus sur les discriminations, je vous invite à écouter notre épisode Mémo-Duo autour de ce sujet. Mais revenons à nos moutons : On voit que la loi essaye de protéger les personnes atteintes de maladies! Peux-tu nous en dire plus sur le retentissement de la maladie sur la vie professionnelle ?

Clémentine : Pour commencer, j’aimerais préciser que 50 % des malades chroniques sont en âge de travailler et certaines maladies chroniques sont diagnostiquées très jeune, comme le diabète de type 1 ou la sclérose en plaques. Cela génère donc beaucoup de questions chez les travailleurs.

La maladie est encore un sujet très tabou au travail et il est normal d’avoir des craintes vis-à-vis de l’employeur : est-ce que cela est préjudiciable à ma carrière ? Vais-je subir des pressions ?

J’ajouterais aussi que la maladie va modifier la vie de la personne, il va falloir composer avec mais comme le disent très justement Lhuilier, professeure émérite en psychologie du travail au CNAM et Waser, maître de conférence et chercheuse en sociologie, le travail « permet de s’extraire de la maladie, d’apprendre à vivre avec elle et non pour elle. »

 

Question 7 : tu soulignes, Clémentine, que la maladie reste un sujet tabou. Dans ce cas, on en parle ou on en parle pas au travail ? Anaïs, qu’est que tu conseillerais?

Anaïs : De prime abord on pourrait se dire que c’est mieux de ne pas en parler. Surtout que les chiffres à ce sujet ne sont pas très positifs : en effet, selon le rapport Scope de 2014, 76 % des personnes handicapées ont rencontré des problèmes d’attitude de la part de leur employeur.  Et malgré l’obligation de recruter 6 % de l’effectif auprès des travailleurs handicapés, il reste encore des employeurs qui préfèrent payer une contribution financière. 

Clémentine : Je suis d’accord avec toi Anaïs ! Et il me paraît important de préciser que vous êtes libre de parler ou non de votre santé à votre employeur ou votre futur employeur. La décision vous revient donc. Mais dans le cas où votre travail peut avoir un impact sur votre maladie et risque de l’aggraver, ou si votre maladie impacte elle-même votre activité professionnelle, il peut être judicieux d’en parler. Comme le précise le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, en connaissant votre situation, votre employeur pourra vous proposer des mesures d’adaptations de votre poste de travail, vous proposer des formations, etc.

Il faut savoir que la loi protège le salarié malade chronique : Le code du travail prévoit que l’employeur ne peut pas licencier le salarié en raison de son état de santé. S’il invoque la maladie du salarié, le licenciement est jugé discriminatoire et donc nul.

Anaïs : j'ajouterais que la non-déclaration de la maladie comporte également le risque de surinvestissement dans le travail au détriment de la santé et un coût psychique élevé lié à la gestion permanente des signes de la maladie.

 

Question 8 : Alors quelles solutions et aides existent pour accompagner les personnes ?

Anaïs : Les maladies chroniques peuvent être déclarées en ALD (affection de longue durée) auprès de la CPAM, ce qui permet une prise en charge à 100% des soins et traitements en lien avec la maladie. 

En cas de handicap, il est aussi possible d’obtenir une reconnaissance de travailleur handicapé, la RQTH, auprès de la MDPH, la Maison Départementale des Personnes en situation de Handicap. Je ne rentrerai pas dans les détails car un podcast a été réalisé sur le sujet cette année.

Enfin, en cas d’incapacité à reprendre un emploi à temps plein, vous pouvez prétendre à une pension d’invalidité si votre capacité de travail ou de revenus est réduite d’au moins 2/3.

Le montant de la pension varie selon l’appartenance à l’un des trois groupes suivants :

• Catégorie 1. invalides capables d’exercer une activité rémunérée : pension égale à 30% du salaire de base, dans la limite du plafond de la Sécurité sociale ;
• Catégorie 2. invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque : pension égale à 50% du salaire de base ;
• Catégorie 3. invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque et dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne.

Clémentine : Et si vous êtes en arrêt maladie et que vous souhaitez préparer votre retour au travail, le médecin du travail peut être un atout précieux. Lors de la visite de pré-reprise, vous pourrez étudier avec lui les conditions de reprise ou d’adaptation de votre activité : aménagement ou adaptation de votre poste de travail, aménagement de votre temps de travail, reconversion professionnelle, etc. Il pourra faire des recommandations à votre employeur pour que votre activité soit adaptée à votre pathologie.

 

Question 9 : et sinon, qu'est-ce que tu peux conseiller à l'employeur pour réussir l'intégration d'un collaborateur ? 

Clémentine : Tout d’abord, il est capital d’essayer de maintenir le lien avec le collaborateur pendant la durée de l’arrêt ! On pense souvent en tant qu’employeur qu’il est interdit de prendre des nouvelles pendant l’arrêt. Mais adresser un message du type “j’espère que tu vas bien, je pense à toi et n’hésite pas à donner des nouvelles si tu en as envie.” est tout à fait possible et recommandé. Il ne faut pas hésiter à demander aux collaborateurs s’il accepte qu’on prenne de ses nouvelles et qu’on en donne de l’entreprise. Comme ça pas de risque de faux pas et on respecte sa décision !

Je pense également au rendez-vous de liaison qui est un dispositif encore bien trop méconnu des employeurs. Il a pour objectif de maintenir un lien entre le salarié et son employeur durant l’arrêt de travail afin de l’informer qu’il peut bénéficier : d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’une visite de pré reprise… et de mesures d’aménagement du poste et/ou du temps de travail à sa reprise.

 

Question 10: Une dernière question me vient :  une maladie chronique, c’est visible ou invisible?

Anaïs : Alors ce n’est pas toujours visible ! Certaines maladies chroniques entraînent évidemment des handicaps visibles, comme des problèmes pour se déplacer ou une altération de la vue par exemple. Mais un diabète non équilibré, ça ne se voit pas. De plus, la fatigue et la douleur qui sont souvent le lot des malades chroniques ne sont pas toujours perceptibles et comprises par l’entourage. Dans ces maladies, on dit qu’il existe des handicaps invisibles.

 

Dans un monde où la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est de plus en plus poreuse, il devient impératif de s'attaquer aux enjeux de santé qui se manifestent au sein du milieu professionnel. 

Nous espérons que cet interview vous a aidé à mieux comprendre les enjeux liés aux maladies chroniques dans le monde du travail, ainsi que des idées concrètes pour favoriser un changement positif dans l’environnement professionnel.

 

PODCAST MÉMO DUO

Toute l'interview audio dans l'épisode 7 de notre émission de Podcast "Memo Duo" 

À écouter sur           ou