Burn-out et reprise du travail : Les précautions indispensables

mardi 1 décembre 2020

Pascale Breton et Lora Devillers nous partagent les recommandations, les meilleures pratiques et les précautions à prendre par le salarié, l’employeur et l’entourage professionnel pour faciliter la reprise et limiter les risques de rechutes suite à un burn-out.

Burn out et prise de conscience

Chez Prévia, nous avons la chance de travailler avec une équipe pluridisciplinaire composée à la fois de professionnels de santé et d’experts en ressources humaines qui s’unissent pour proposer des services innovants visant à placer le bien-être des salariés au cœur des priorités de l’entreprise. Pour répondre à tous les besoins, notre équipe s’appuie aussi sur un réseau de professionnels paramédicaux et de consultants qualifiés : psychologues, sophrologues, préparateurs physiques, diététiciens, etc.

Aujourd’hui, Pascale Breton, directrice du pôle conseil de Prévia, a eu le plaisir d’interviewer Lora Devillers au sujet de la reprise du travail après un burn-out. Lora est psychologue du travail et coach professionnelle mais aussi consultante du réseau RPBO spécialisé dans la reconstruction post-burn-out et membre du réseau des partenaires du cabinet Prévia.

Ensemble, elles nous partagent les recommandations, les meilleures pratiques et les précautions à prendre par le salarié, l’employeur et l’entourage professionnel pour faciliter la reprise et limiter les risques de rechutes.

 

 

Ecoutez le témoignage de Marina

podcast  Marina s’est livrée à notre micro pour témoigner sur son combat face au burn-out. En nous racontant son histoire, elle choisit d’expliquer ce qu’elle a traversé, sa vision des entreprises et ses conseils pour s’en sortir. 


 

 

DEFINITION DU BURN-OUT ET les SIGNAUX D’ALERTE

Lora, nous entendons tous les jours parler de cas de Burn-out, peux-tu nous en donner une définition ?

C’est vrai, on parle beaucoup du burn-out et il est même considéré par certains comme le mal professionnel du siècle.

Le burn-out se traduit par « un épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d'un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel », selon la Haute Autorité de Santé et d’après la définition des chercheurs Schaufeli et Greenglass.

Christina Maslach a conçu ce syndrome comme un processus de dégradation du rapport au travail à travers 3 dimensions :

  • L’épuisement émotionnel, psychique et physique 
  • Le cynisme vis-à-vis du travail ou dépersonnalisation
  • La perte de l’accomplissement personnel

 

Le burn-out provient donc de la rencontre entre un individu et une situation de travail dégradée. Il s’explique par des caractéristiques liées à l’individu et au travail.

 

Au niveau de l’organisation, 6 facteurs peuvent contribuer à l’émergence du burn-out :

  • Les exigences au travail (intensité et temps de travail)
  • Les exigences émotionnelles
  • Le manque d’autonomie et de marges de manœuvre
  • Les mauvaises relations de travail
  • Les conflits de valeur et la qualité empêchée 
  • L’insécurité de la situation de travail

 

Y a-t-il une différence à faire entre le burn-out et la dépression chronique ?

Oui. Contrairement à la dépression, le burn-out ne fait pas l’objet d’un diagnostic officiel et clinique et n’est pas considéré comme une maladie dans les classifications médicales de référence. Il s’exprime en premier lieu dans la sphère professionnelle alors que la dépression s’étend à tous les aspects de la vie.

Le burn-out décrit un processus de dégradation du rapport au travail alors que le diagnostic de la dépression décrit un « état de l’individu ». On peut faire un burn-out sans faire une dépression. Mais selon le stade de gravité du burn-out, le burn-out lui, peut évoluer vers une dépression.

En revanche, l’inverse n’existe pas : la dépression n’engendre pas de burn-out.

 

Le burn-out survient-il brutalement ?

Le burn-out n’est pas soudain, c’est un processus progressif et souvent insidieux.

Les 4 phases du burn-out

On distingue 4 phases successives et réversibles :

  • Une phase d’engagement plus ou moins longue, parfois sur des années, qui génère du stress chronique
  • Une phase de surengagement ou de résistance où le salarié est dans le déni
  • Une phase d’acharnement ou de rupture où l’on atteint des limites physiques
  • Et la phase d’effondrement : qui affecte toutes les dimensions de la personne (psychique, émotionnelle et physique) et conduit à la dépression.

Le burn-out c’est la maladie des forts, de ceux qui donnent tout ou trop !

 

Y a-t-il des signaux qui doivent nous alerter ?

Les signaux d’alerte, ce sont des changements qui s’installent de manière progressive et insidieuse, en rupture avec l’état antérieur, et plus ou moins marqués, d’intensité différente.

 

Les premiers signes du burn-out

Une modification du sommeil, des pensées récurrentes liées au travail omniprésent, des 1ers signes de changement d’humeur.

Et, si même après un weekend ou une période de vacances, la fatigue est toujours présente, cela veut dire que le temps de récupération ne joue plus son rôle et que l’érosion des ressources a bien commencé.

Flèche 132 symptômes ont été référencés et peuvent être d’ordre physiques, cognitifs, émotionnels, motivationnels et comportementaux.

 

RECOMMANDATIONS POUR LE SALARIE ET POUR L’EMPLOYEUR

Combien de temps doit-on s’arrêter de travailler après un burn-out ?

Il n’y a pas de réponse unique à cette question mais une chose est sûre, l’arrêt de travail est incontournable. Comme nous l’avons dit précédemment, un burn-out survient après une période plus ou moins longue de surengagement et d’exposition au stress chronique.

La durée de la « remontée », de la reconstruction peut être proportionnelle à la durée de la « descente », de la dégradation progressive de la personne et dépend de sa résilience.

Comme pour le sportif, chaque temps d’efforts intenses est suivi d’un temps pour reconstituer toutes les ressources.

 

Pourquoi l’arrêt de travail est-il nécessaire en cas de burn-out ?

L’arrêt de travail est incontournable, c’est une mise en sécurité de la personne.

Et se faire accompagner psychologiquement est indispensable pour prendre le temps de :

  • Récupérer et reconstituer ses ressources
  • Réfléchir à ce qui est arrivé et à la place occupée par le travail dans sa vie
  • Travailler sur ses facteurs personnels de vulnérabilité
  • Poser un cadre de réflexion pour se projeter à nouveau dans le travail
  • Retrouver le désir d’y retourner
  • Et surtout envisager la possibilité du retour au travail

Bien évidemment, à l’approche de la reprise, il est normal d’être partagé entre le désir de reprendre, de se resocialiser et la crainte de se confronter à nouveau à ce qui nous a fragilisé.

C’est là qu’interviennent différents acteurs pour coconstruire le retour : le service de santé au travail, la DRH, le manager de proximité et l’entourage professionnel pour apaiser les appréhensions, donner confiance et faciliter la reprise.

SERVICES D’AIDE AU RETOUR AU TRAVAIL : EN SAVOIR PLUS

 

On entend souvent dire que pour pouvoir envisager la reprise, il faut que quelque chose ait changé par rapport à la situation dans laquelle on a fait un burn-out, peux-tu nous en dire plus ?

Il faut en effet que le salarié ait fait ce travail de réflexion dont nous venons de parler et qu’il ait remis le travail à sa juste place dans sa vie.

Il faut également que l’entreprise analyse ce qui a conduit à cette situation : analyser les conditions de travail, les facteurs liés à l’organisation du travail et apprécier la qualité managériale et relationnelle. Elle doit aussi se réinterroger sur la logique du poste en termes de compétences.

Les causes liées au travail doivent être prises en compte et des ajustements doivent être faits.

 

Est-il conseillé de reprendre en mi-temps ou temps partiel thérapeutique ?

Après un burn-out, il est effectivement conseillé de reprendre en mi-temps ou temps partiel thérapeutique. C’est même indispensable et il doit être prolongé autant que nécessaire.
La reprise progressive est une des conditions de réussite.

Le salarié doit se réhabituer au rythme du travail comme après n’importe quelle absence prolongée. Il doit reprendre ses marques, se rassurer et reprendre confiance.

Et il est conseillé de poursuivre son accompagnement durant cette étape.

ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL ET PERSONNALISE

 

Beaucoup de salariés se sentent coupables après une longue absence et hésitent à reprendre à temps partiel, que conseilles-tu ?

Effectivement, souvent le salarié a un sentiment de culpabilité, celui de ne plus se sentir capable.  Il faut l’entendre. Et pourtant, ce ne sont pas les capacités qui manquent. En revanche, il ne peut plus agir de la même façon au travail et doit trouver une solution écologique pour lui.

C’est le rôle du management de rassurer le salarié qui a fait un burn-out sur le fait que ce mi-temps est prescrit par un médecin, pour sa santé. Et que le mi-temps thérapeutique est une option qui le protège dans le cadre de la reprise.

Et pour l’entreprise ?

Il est préférable d’avoir un salarié qui reprenne petit à petit et durablement plutôt qu’un salarié qui reprenne à plein régime avec le risque de faire une rechute quelques semaines après le retour.

 

On dit souvent qu’une des clés pour réussir la reprise après un long arrêt est le maintien du lien avec le salarié pendant l’arrêt. Qu’en penses-tu dans le cadre d’un burn-out ?

Le maintien du lien est un sujet sensible car il dépend du contexte dans lequel le salarié est parti. C’est d’autant plus délicat car l’arrêt est en partie lié au travail.

Pendant l’arrêt, le salarié a besoin de couper avec le travail au moins pendant un temps : se couper des mails, ne plus être en lien avec des collègues qui pourraient apporter des nouvelles inquiétantes du travail.

Contrairement aux arrêts d’une autre nature pour lesquels nous recommandons à l’employeur de maintenir un lien, même ténu, avec le salarié (comme par exemple des informations sur l’entreprise, les évènements, les changements…). Dans le cas du burn-out ces communications peuvent être vécues comme une intrusion et peuvent avoir des effets dévastateurs sur le salarié car elles participent à ralentir le processus de reconstruction.

 

Et alors qu’est-ce qu’on peut faire ?

En revanche, il est important que le salarié sache qu’il compte et qu’il fait toujours partie de l’équipe. Un petit mot envoyé directement ou par l’intermédiaire d’un collègue pour dire juste « on pense à toi » peut être très apprécié. S’il n’implique aucune réponse, ne contient aucune information sur le travail et s’il est exprimé de façon positive, c’est une façon respectueuse de maintenir le lien.

LIRE L’ARTICLE « REPRISE DU TRAVAIL : LES BONNES PRATIQUES »

 

Anticiper et préparer la reprise est très important. Une première étape est la visite de pré-reprise avec le médecin du travail, peux-tu nous en dire plus ?

Au-delà de 90 jours d’arrêt, la visite de pré-reprise est de droit, c’est-à-dire que le médecin du travail ne peut pas la refuser au salarié.

à Elle est demandée au médecin du travail soit par le salarié lui-même, soit par son médecin traitant soit pas le médecin conseil.

Cette visite de pré-reprise a pour objectif de favoriser la reprise et le maintien dans l’emploi. Le médecin du travail peut recommander des aménagements de poste ou faire des préconisations de formation ou de reclassement.

L’employeur ne peut pas solliciter la visite de pré-reprise. Une bonne pratique consiste à adresser systématiquement un courrier à tout salarié en arrêt de plus de 90 jours pour lui rappeler ce dispositif et lui communiquer les coordonnées de la médecine du travail.

Cela peut aussi être l’occasion de lui rappeler les autres ressources mises à sa disposition : tel que l’assistante sociale, la ligne d’écoute ou les accompagnements individuels et personnalisés comme propose le cabinet Prévia par exemple.

 

Recommandes-tu, quand c’est possible, d’organiser une rencontre préparatoire à la reprise avec la direction des ressources humaines (DRH) ?

Lorsque cela est possible, oui, je recommande d’organiser un entretien avec la direction des ressources humains. Cette rencontre préparatoire permet de :

  • Recréer un lien de confiance et de reconnaissance
  • Prendre en compte la difficulté rencontrée
  • Et montrer la volonté de l’employeur de sécuriser le parcours

 

Cet entretien avec la direction des ressources humaine est aussi l’occasion :

  • De clarifier ce qui s’est passé, ce qui a participé dans le travail à la dégradation de son état psychique et savoir ce qui doit être évité à l’avenir
  • D’aborder ce que le salarié va changer et de faire émerger les points de vigilance (liés au surinvestissement, au déni, etc)
  • De s’accorder sur l’environnement et les conditions de travail les plus propices pour éviter la rechute : tel que le respect des horaires pour l’équilibre vie privée et professionnelle ou le respect du droit à la déconnexion par exemple.
  • De valider la motivation et les capacités pour le poste : par exemple,  un poste sans responsabilités de management ou une mission d’expertise peuvent être une solution temporaire pour reprendre pied progressivement dans l’univers du travail.

Cela peut aussi être aussi l’occasion d’envisager un projet de transition professionnelle ou de reconversion.

LIRE L’ARTICLE SUR L’ENTRETIEN DE REPRISE

 

Une fois le salarié en poste, que doivent faire le manager de proximité et la DRH ?

Le manager de proximité et la direction des ressources humaines doivent tout d’abord organiser son accueil en fonction de la culture de l’entreprise et de ce que la personne est capable d’absorber. C’est une période de vigilance accrue : ils doivent tous deux porter une attention constante mais non pesante au salarié.

Organiser des points très réguliers, hebdomadaires et structurer un suivi au moins durant les 3 premiers mois pour s’assurer de son adaptation : s’intègre-t-il bien dans l’équipe ? Travaille-t-il au-delà des temps habituels ? Envoie-t-il des mails le soir et le weekend ? etc…

à Le risque principal étant bien sur le retour au surinvestissement.

Il est aussi très intéressant quand c’est possible de lui proposer en interne, une personne ressource et neutre, un tuteur (volontaire bien sûr) ou de nommer un mentor pour le soutenir et l’aider à reprendre ses marques.

Et la proposition d’un accompagnement externe de type coaching pour le salarié et le manager est une option judicieuse pour optimiser et sécuriser la reprise.

 

Faut-il s’intéresser également à l’équipe dont fait partie le salarié ?

Après un burn-out, il est important de s’intéresser à l’équipe dont fait partie le salarié, oui. Des phénomènes de contagion émotionnelle au sein des groupes existent. Les neurosciences l’ont démontré.

L’équipe s’est retrouvée bousculée suite au départ de leur collègue, elle s’est retrouvée désorganisée et forcément, cela va la questionner.

Chacun peut accueillir différemment la perspective du retour du salarié après un long arrêt : certains peuvent avoir des freins, des craintes, des appréhensions surtout si la cause de l’arrêt est connue.

Il est donc important de leur permettre de les exprimer individuellement, de les partager collectivement et de créer un espace pour recueillir ces éléments.

D’autre part, il est également important de sensibiliser le collectif à la reprise de la personne : non pas pour évoquer l’état de santé de la personne mais pour les sensibiliser à certains points de vigilance : la fatigabilité, l’hypersensibilité au stress, aux émotions en jeu pour la personne et pour les sensibiliser aux modalités de reprise. Il est aussi important de leur expliquer le mi-temps thérapeutique qui ne doit pas être vu comme un cadeau que l’on octroie à la personne, mais une obligation temporaire et importante pour l’accompagner dans sa reprise.

 

Quel est le message clé à retenir face à une reprise après un burn-out ?

2 messages clés sont à retenir lorsque l’on se retrouve face à la reprise du travail d’un salarié après un burn-out :

  1. Le premier : La réussite de la reprise après un burn-out est avant tout collective, pluridisciplinaire, concertée et que cette reprise doit être cadrée et suivie dans le temps.
  2. Le 2ème message : Un rebond est possible après un burn-out et ,bien souvent, c’est l’occasion de faire de nouveaux apprentissages et de saisir des opportunités :
  • A la fois pour le salarié, qui aura appris beaucoup de choses sur lui et sur la place accordée au travail dans sa vie. Il sera plus à même d’être attentif aux messages de son corps et c’est un facteur de protection pour l’avenir.
  • Et aussi pour l’entreprise, qui peut de son côté, mener une réflexion approfondie sur l’organisation du travail, sur les pratiques managériales et les comportements de vigilance aux autres et aussi rassurer les salariés dans la façon de prendre en compte la situation individuelle et le contexte professionnel.


Nous avons tous matière à créer, inventer et innover pour mieux agir en prévention, faciliter et optimiser la reprise du travail des salariés.

 

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